Contre
Aujourd’hui, c’est d’un poste retranché, à l’arrière du front, que
je planifie secrètement les hostilités que se livreront prochainement
les troupes.
Bientôt, il faudra sortir de mon terrier et me mêler au
bruit des armes. J’irai à La Poste, je ferai longuement la queue.
J’ordonnerai des débits bancaires et constaterai mon misérable capital.
Ensuite, j’irai au supermarché acheter des œufs, 2 kg de pommes, 1 kg
de tomates «long life» produites hors sol, en Espagne, tout au long de
l’année.
Je rentrerai chez moi et ne pourrai faire autrement que d’accepter, du bout des lèvres, ma capitulation.
Mais
demain, demain, je demanderai une augmentation. J’imagine qu’avec cette
nouvelle manne, je pourrais vivre plus vite et plus haut.
Mais je suis contre.
Car
je sais que c’est ici-même, sur ce canapé, dans une vie lente et
ordinaire, que se jouent toutes mes joies, celles que je ne dilapide
pas.